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Paul Delvaux, surréaliste discret

Paul Delvaux, surréaliste discret

L’ANNÉE 2024 SERA CELLE DU CENTENAIRE DU SURRÉALISME DATÉ DE LA PUBLICATION DU MANIFESTE DE L’ÉCRIVAIN ANDRÉ BRETON. POUR L’OCCASION, LE FAMEUX SALON BELGE BRAFA ART FAIR RENDRA HOMMAGE FIN JANVIER AU SURRÉALISTE D’OUTRE- QUIÉVRAIN PAUL DELVAUX. ONIRIQ FAIT DE MÊME À TRAVERS SES ŒUVRES LES PLUS MARQUANTES. 

«  Un surréaliste malgré lui. » C’est ainsi que l’artiste belge Paul Delvaux a été parfois qualifié dans le milieu de l’art. « Un artiste qui a marqué l’histoire de la peinture en Belgique », voilà comment en parle la directrice de la fondation Paul Delvaux, Camille Brasseur. Ce peintre qui a connu succès et notoriété de son vivant aura droit à un hommage digne de son immense talent dans le cadre de la Brafa, la grande foire contemporaine annuelle qui aura lieu à Bruxelles en janvier 2024, année marquée par le centenaire du surréalisme né en 1924 avec l’iconique manifeste d’André Breton. « Les surréalistes français ont considéré Delvaux comme l’un des leurs, développe Camille Brasseur, alors que lui-même estimait n’appartenir à aucune chapelle. » Notoirement parce qu’il n’adhérait pas au projet politique du mouvement, quasi révolutionnaire. 

Avec ses femmes nues, ses gares et ses squelettes, Paul Delvaux a réussi à interpeller le monde de l’art mais aussi toucher le grand public, à l’instar de l’excentrique Salvador Dalí, surréaliste extraverti, au contraire de Delvaux. « C’est la découverte de l’œuvre de son compatriote, Magritte, l’autre grand surréaliste belge, et de celle de De Chirico, qui a influencé Delvaux » note Camille Brasseur. L’experte a accepté de légender ce portfolio dont la visée ambitieuse est de restituer le fil de la vie et l’œuvre de l’artiste. Plusieurs des tableaux présentés dans ces pages seront exposés par des galeristes présents à la Brafa. 

Brafa Art Fair, du 28 janvier au 4 février, Brussels Expo 

Femmes devant la mer, 1927, huile sur toile, 80 x 100 cm 

©Foundation Paul Delvaux, Belgium/Sabam,2023

1927 

Design sans titre 18 Paul Delvaux, surréaliste discret

Alors qu’il peint depuis l’orée des années 1920, Delvaux se cherche. Il tente de formuler sur la toile ce qui l’habite intérieurement sans avoir encore trouvé son style propre. Après un passage par la peinture de paysage, la figure humaine devient l’objet central de ses préoccupations. Aux alentours de 1927-1928, le nu devient incontournable. Ces Femmes l’attestent tant elles s’imposent dans toute la hauteur qu’offre l’avant-plan. Un changement important s’est opéré ; les formes sont cernées d’un trait, les corps se sont allongés. D’autres éléments significatifs (le cou et le visage étirés, le long nez droit, les grands yeux en amande à fleur de tête et les épaules tombantes) convoquent l’art de Modigliani. 

La Danse macabre, 1934, aquarelle et encre de Chine sur papier, 59,5 x 75 cm 

Harold T’Kint De Roodenbeke © Foundation Paul Delvaux, Belgium/SABAM, 2023 

1934 

Design sans titre 19 Paul Delvaux, surréaliste discret

Durant les années 1930, l’expressionnisme domine la scène artistique belge. Delvaux subit alors l’influence de ce mouvement et de l’artiste avant-gardiste James Ensor (1860-1949). Une relation de parenté évidente dans l’art des deux peintres belges s’établit par le squelette. Delvaux le considère comme un être aussi vivant que toute autre figure. Cette joyeuse Danse macabre le démontre ardemment ! Sur un fond coloré à l’aquarelle, des squelettes savamment dessinés à l’encre de Chine animent la scène de leur présence dé- multipliée. Tombant du ciel, ils égayent le papier de leur gestuelle vivace et de musique. La force expressive de l’artiste s’exprime avec une spontanéité qu’il réservera toujours à l’œuvre graphique. 

Le Canapé vert, 1944, oil on canvas, 130 x 210 cm, collection fondation Paul Delvaux 

©Foundation Paul Delvaux, Belgium/Sabam,2023

1944 

Design sans titre 20 Paul Delvaux, surréaliste discret

Associé au surréalisme, Delvaux a toujours marqué une distance par rapport aux étiquettes. Néanmoins, Le Canapé vert s’inscrit dans cette mouvance et témoigne du goût pour l’Antiquité qui anime le peintre de- puis sa petite enfance. Dans un décor de temples, trois figures féminines semblent absorbées par leurs songes tandis qu’un jeune éphèbe a pris place sur un canapé inattendu, placé au centre de l’agora. Le rapprochement insolite d’éléments pour créer un choc poétique est particulièrement exemplaire dans cette toile. 

Lettre de Paul Delvaux à son ami Claude Spaak, 15.01.1950,
2 pp. in-4 à l’encre bleue, datées « Boitsfort, le 15-1-50 »,
avec dessin original à l’encre avec rehauts au lavis contrecollé. 

Librairie Lardanchet © Foundation Paul Delvaux, Belgium/SABAM, 2023 

1950 

BRAFA 2024 CLAM BBA Letter from Paul Delvaux to Claude Spaak 2 Paul Delvaux, surréaliste discretBRAFA 2024 CLAM BBA Letter from Paul Delvaux to Claude Spaak 3 Paul Delvaux, surréaliste discret

La correspondance est un élément clé pour se rapprocher de l’homme qu’est l’artiste et tenter de restituer ses réseaux. Cette lettre, Delvaux l’adresse en 1950 à Claude Spaak, son ami dramaturge qui fut particulièrement actif dans la défense de son travail. Il fut lui-même un important collectionneur, et soutint l’artiste qui connut des débuts difficiles. Delvaux orne la lettre d’un petit dessin et pour évoquer l’œuvre sur laquelle il travaille, L’Âge de fer (1951, MuZee, Ostende). 

L’Annonciation faite à Marie, 1952, aquarelle, encre de Chine et crayon sur papier, 73,5 x 63 cm 

Van Herck- Eyckelbergh © Foundation Paul Delvaux, Belgium/SABAM, 2023 

1952 

BRAFA 2024 Van Herck Eykelberg Paul Delvaux The Annonciation 1 Paul Delvaux, surréaliste discret

Cette Annonciation faite à Marie est un dessin préparatoire qui servit de modèle à la réalisation d’une huile (1953). Elle-même fut utilisée comme carton par Julien Bal qui en tira une tapisserie intitulée La Naissance de Vénus, sans doute en raison du coquillage sur lequel est assis la protagoniste principale. Les deux titres sont interchangeables car la beauté du sujet peut être perçue comme un attribut divin. La femme éternellement belle et jeune est le pivot central de l’œuvre du peintre comme du dessinateur. 

La Mise au tombeau, 1953, huile, gouache, aquarelle et encre de Chine sur papier vergé sur toile, 68 x 120 cm 

Galerie Alexis Pentcheff © Foundation Paul Delvaux, Belgium/SABAM, 2023 

1953 

Design sans titre 21 Paul Delvaux, surréaliste discret

La figure du squelette s’impose comme un motif récurrent de l’œuvre. Ayant réalisé de nombreuses études au Musée d’histoire naturelle de Bruxelles pendant la guerre 1940-1945, Delvaux maîtrise parfaitement ce type de représentation anatomique. L’enjeu plastique consiste désormais à la mettre en scène de façon dramatique en substituant les personnages de chair par des squelettes. Non sans avoir choqué involontairement la bien-pensance de son temps, Delvaux s’appuya sur des scènes religieuses classiques telle que La Mise au tombeau. Cette étude poussée précède le grand tableau du même nom (La Boverie, Liège). 

La Gare forestière, 1960, huile sur toile, 160 x 220 cm, collection fondation Paul Delvaux 

©Foundation Paul Delvaux, Belgium/SABAM, 2023

1960 

Design sans titre 23 Paul Delvaux, surréaliste discret

La Gare forestière est une toile emblématique de l’artiste. Une locomotive à vapeur surgit au cœur d’une station ferroviaire située en pleine forêt. L’ambiance mystérieuse convoque l’imagerie des contes de fées notamment par la présence de deux petites filles énigmatiques admirant l’étonnant spectacle auquel elles assistent. Le tour de force du peintre est de créer l’illusion d’un monde réel – grâce à tous les éléments identifiables qu’il combine – alors qu’il relève précisément de son monde imaginaire, par nature inaccessible. 

Les Deux Amies, 1967, aquarelle en encre sur papiers assemblés, 62,9 x 100,8 cm 

©A&R Fleury 

1967 

BRAFA 2024 A R Fleury Paul Delvaux Paul Delvaux, surréaliste discret

Si les femmes de l’œuvre peinte apparaissent lointaines, esseulées, préoccupées par leur intériorité, des nuances prennent corps dans l’œuvre sur papier. Ainsi, Les Deux Amies, thème classique de l’histoire de l’art et du répertoire de Delvaux, prend une dimension plus charnelle par le biais du travail à l’encre de Chine. Dans l’intimité d’une chambre, l’artiste convoque les amours saphiques de deux jeunes femmes. Alanguies, elles s’offrent un corps-à-corps sensuel tout en douceur. La tonalité de bleu rehausse le décor typiquement delvalien (rideaux, draps, lampe à pétrole). Le caractère vibrant du trait et les tâches perceptibles participent pleinement à la force d’une telle composition. 

Paul Delvaux (Belgium, Antheit 1897-1994 Veurne), La Fin du voyage, 1968, huile sur toile, 165,1 x 145 cm 

Opera Gallery © Foundation Paul Delvaux, Belgium/SABAM, 2023 

1968 

BRAFA 2024 Opera Gallery Paul Delvaux 1 Paul Delvaux, surréaliste discret

Cette toile de beau format tel que Delvaux les affectionne illustre parfaitement le monde qu’il a créé. Le minéral et le végétal se conjuguent pour façonner un environnement propice aux surgissements fortuits. Une femme nue rêvassant est adossée à un rocher alors qu’à ses côtés circule un vieux tram bruxellois. Le bleu du ciel où se devine la Lune, astre mystérieux si cher au peintre, se confond à l’horizon avec la mer. Dans une cavité rocheuse, une lampe à pétrole émet une faible lumière. Est-ce vraiment la fin du voyage ? Au regardeur d’en décider, Delvaux gardant toujours le mystère entier… 

Alésia ou Les Captives, 1973,
aquarelle et encre sur papier, 67 x 100 cm 

Guy Pieters Gallery © Foundation Paul Delvaux, Belgium/SABAM, 2023 

1973 

Design sans titre 24 Paul Delvaux, surréaliste discret

Delvaux affectionne les grands papiers sur lesquels il déploie en toute liberté son univers. Féru d’histoire, il y puise des sujets inspirants qu’il passe au filtre de son kaléidoscope intérieur pour leur donner une formulation résolument personnelle. Ainsi, les captives d’Alésia se retrouvent sous la garde de soldats casqués – dont la présence se devine – dans une atmosphère toute singulière. Drapées, nues ou vêtues, chevelures apparentes ou coiffées de chapeaux à plume, elles s’imposent par le nombre. L’absence d’interaction participe au climat général qui invite à croire que, dans pareille situation, seul compte le recueillement. 

Article à lire dans le n°6 d’OniriQ Magazine, écrit par Yves Derai

<<< À lire également : L’art en questions avec Ibrahim Maalouf >>>

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