Débarrassée de ses connotations guindées, la perle est en pleine renaissance. Grands noms de la place Vendôme et joailliers indépendants réinventent cette exception de la nature aux contours sphériques composée de couches successives de nacre qui lui donnent un aspect brillant et irisé. Naturelle, fi ne ou de culture, ronde, forme bouton ou baroque, la perle enchante bagues, boucles d’oreilles et sautoirs aux contours ludiques et aux portés inédits. Choisie majoritairement pour sa blancheur impeccable ou ses reflets anthracite, sa version colorée (rose, aubergine, verte…) fait également son apparition dans des parures inspirées.

Cet engouement n’aura pas échappé à l’École des arts joailliers qui présente Paris, capitale de la perle. Cette exposition retrace l’histoire des perles au fil des siècles. Cette petite boule blanche très recherchée depuis l’Antiquité et qui fut au cœur d’un intense commerce entre la « Côte des perles » (le golfe arabo-persique) et la France, entre la fin du XIXe et le milieu du XXe siècle, se place au centre de l’industrie du luxe et de la culture parisienne.
Cette épopée est retracée à travers une centaine de pièces exposées, provenant d’une vingtaine de prêteurs parmi les plus prestigieux, tels le musée des Arts décoratifs de Paris, le Petit Palais, les collections patrimoniales des maisons Van Cleef & Arpels, Cartier et Fred ou encore l’exceptionnelle collection privée Albion Art. Au fil de la visite, un constat apparaît : les perles sont synonymes d’allure à l’image de Coco Chanel.

La couturière les a hissées au rang d’incontournables, au même titre que la veste en tweed, le sac 2.55 en cuir matelassé et la ballerine bicolore. D’ailleurs, à la fin de sa vie, dans sa chambre au Ritz, la créatrice ne garda que l’essentiel : trois tailleurs beiges et ses perles. Depuis que la maison de couture a embrassé le métier de joaillier, ses collections tirent des fils de soie de son ADN, mâtinant régulièrement ses créations précieuses de spécimen à la blancheur virginale.
Les joailliers inspirés
Au cours de leurs épopées stylistiques, tous les joailliers ont succombé à la perle lui offrant une nouvelle jeunesse, de Cartier à Buccellati, en passant par Chopard, Van Cleef & Arpels, Rouvenat, Vever ou encore Harry Winston. Sans oublier Tiffany & Co. qui a construit une collection entièrement consacrée à la perle fine. Baptisée « Bird on a Pearl », elle a été rendue possible grâce à une collaboration avec la famille Al Fardan qui, depuis plus d’un siècle, possède l’une des plus belles collections de perles naturelles du monde. Pièce maîtresse de cet opus perlé : la fameuse broche Bird on The Rock, créée par Jean Schlumberger en 1965. Pour la première fois, l’oiseau se pose sur des perles baroques d’exception dont une de 35 carats !

La collection se décline en collier, avec une envolée d’oiseaux en diamants qui se baladent sur trois rangs de perles pour un total de 371 carats, dignes d’un collier d’Élisabeth II. Plusieurs pendentifs sont proposés. Sur certains, le cacatoès tourne la tête. Des boucles d’oreilles qui reprennent juste la crête, donnent un effet punk. Des bagues et broches, reprenant les dessins originels du joaillier, complètent la collection.
La néo-perle contemporaine doit beaucoup à deux institutions japonaises : Mikimoto et Tasaki. Après avoir inventé la perle de culture – qui nécessite six ans de soins attentifs dans des fermes surprotégées –, la première s’est installée place Vendôme à Paris et est devenue l’adresse des esthètes non conformistes. On se souvient que cette vénérable maison a notamment scandé ses trésors ronds d’épingles à nourrice, de picots ou de griffes lors d’une collaboration avec le label de mode avant-gardiste Comme des garçons.
Les deux maisons ont imaginé quatorze colliers « genderless » en argent et perles Akoya pour les plus petits et trésors des mers du Sud pour ceux d’envergure. Des créations qui s’adressaient autant aux femmes… qu’aux hommes. Car les perles ont aujourd’hui les faveurs de la gent masculine. Auparavant, les hommes étaient plutôt vierges de tout bijou. À part une alliance, une chevalière, des boutons de manchette ou une gourmette, peu de choix s’offrait à eux. Mais ce schéma joaillier fut secoué par des courants prônant la « fluidité des genres », la « non-appartenance au sexe binaire », en somme, le droit de prendre les attributs physiques et matériels qui, jadis, définissaient le sexe féminin.

Les hommes aussi…
Cette vague mixte est également menée par les reflets irisés des créations Tasaki, l’autre maison nippone spécialiste des perles, qui illuminent aussi les revers des cols de vestes et se retrouvent autour du cou ou enroulées au poignet d’hommes élégants. Celle qui fête ses 70 ans cette année est reconnue pour ses designs disruptifs à l’instar de la collection Danger. Les piques iconiques de la bague sont soit en or, soit en diamant sertis dans les perles. Évoquant des griffes acérées, les gemmes se font face et se mêlent aux perles et à l’or.
Présentée pour la première fois en 2010 par le designer Thakoon Panichgul, la collection Balance est renommée pour ses perles modernes et minimalistes alignées. Avec ses cinq perles Akoya disposées en une ligne droite parfaitement équilibrée, cette série innovante a révolutionné l’image traditionnelle des bijoux en perles. Une version ultra précieuse vient de voir le jour sur des colliers. Elle se compose de cinq perles disposées le long de trois lignes de couleurs différentes d’or, créant douze motifs d’équilibre distincts et utilisant un total de soixante-dix perles Akoya.

La désirabilité actuelle de la perle doit également à l’audace de certains joailliers à l’esprit ultra créatif. Repossi dévoile une pièce en édition limitée. Pour la première fois depuis les années 1990, et d’après les dessins de son père, Gaia Repossi repense la perle à travers une nouvelle bague, L’Édition limitée N5 « Pearl Variation ». Celle-ci évoque le classicisme et rend hommage aux symboles joailliers du passé, tout en gardant les codes du serti sur vide.
En effet, jusqu’aux années 1970, les premières perles de la maison étaient serties dans des arrangements larges, réguliers et rares, créant des pièces uniques. Montées sur de l’or blanc, les trois perles ont des caractéristiques différentes : une perle de Tahiti gris foncé à côté d’une plus grande perle de Tahiti gris clair, et flottant seule de l’autre côté du sertissage en or blanc, une perle en or noir sertie de près de 200 diamants blancs de tailles croissantes qui modernisent la composition, offrant ainsi un équilibre parfait à la pièce. Et quand Statement dévoile le collier Unchained Perles qui incarne une rencontre audacieuse entre la délicatesse des perles et la force des maillons, Messika nimbe ses diamants blancs fétiches des reflets des billes dorées savamment sélectionnées.

Quelle différence entre perle fine et perle de culture ?
Une perle naît d’une réaction de défense d’une huître qui sécrète alors de la nacre pour envelopper son agresseur. Les perles fines ou naturelles se sont raréfiées au fur et à mesure de la pollution des eaux – la dernière collection de haute joaillerie de Chaumet les célébrait divinement. Leur rareté a pour conséquence des prix à plusieurs zéros, par exemple pour la conche des Caraïbes et la melo pêchée au Vietnam. Mise au point en 1893 par un génie japonais nommé Kokichi Mikimoto, la perle de culture, qui résulte d’une intervention humaine, regroupe des qualités très différentes, de l’Akoya japonaise, la plus renommée, à la perle d’eau douce chinoise cultivée sur des moules, moins estimée.
Article écrit par Fabrice Léonard à retrouver dans le n° 10 du Magazine OniriQ.